Les Allemands n’ont pas débarqué sur les côtes du Kent que la Home Guard, à peine distraite par les duels aériens qui se livrent dans le ciel de la Manche, surveille derrière les rouleaux de barbelés ou bien à travers les  murs de contreplaqué, de faux cottages et auberges construits à la hâte.
Champs, plaines, terrains de golf et de sport particulièrement dans le secteur névralgique entre Sheppey et Rye que ne défend qu’une seule Division, armée tout juste de vingt-trois canons de campagne, sont hérissés de poteaux et d’obstacles cocasses, hétéroclites : râteaux, vieux fourneaux de cuisine, dossiers de lits, charrues.

Les routes sont barrées de dérisoires pièges à tanks : charrettes abandonnées, automobiles jetées à la ferraille, pneus usagés.
Des paquets d’explosifs habillés de toisons de laine et actionnés par des câbles laisseraient croire aux envahisseurs ou aux observateurs de la Luftwaffe qu’il ne s’agit  que de paisibles moutons broutant dans les champs.
Des arbres hauts de dix mètres, sont déracinés, évidés pour abriter un emplacement de tir ou un piège antichars, puis replantés en des endroits stratégiques.

De faux panneaux routiers rendent inutilisables les cartes d’avant-guerre. La pose de tout écriteau ou panneau fournissant une indication de nom, de lieu, de direction ou de distance est interdite.
Les rues ont été débaptisées, les poteaux indicateurs enlevés, les bornes et monuments aux Morts de la Première Guerre mondiale ont été concassés. Les pancartes mentionnant les itinéraires des autobus et des tramways ont été retirées.
Les noms des gares ont été effacés. Maints lacs sont asséchés ou recouverts de filets pour dérouter les forces qui auraient réussi à passer les premières obstructions.